mercredi 16 mai 2012

Des vents contraires


Je pourrai dire la langue de bois, ou faux semblants, mais cela serait moins poétique. Plus percutant oui, mais moins poétique.

C'est le film du même nom qui m'inspire ce titre. Un film magnifique avec Benoît Magimel et Audrey Tautou.
Mais aujourd'hui, je ne retiens que le titre, et je vais écrire un tout autre scénario.

Mon père, le padré, va sur ses 64 ans, c'est un gémeaux, comme moi. Depuis février il est au courant qu'il a un cancer de l'oesophage. Le cancer n'est pas opérable, par contre il lui a été posé une prothèse dans l'oesophage afin de le dilater pour permettre une alimentation dite « normale ».
30 avril, jour d'anniversaire de ma petite sœur. Notre père est hospitalisé en urgence suite à une déshydratation et un ammaigrissement sévère. 10 jours de non alimentation ont suffis à lui faire perdre le peu de poids qu'il avait repris grâce aux produits adaptés à son état de santé. Son estomac a refusé tout aliment solide ou liquide, provocant des glaires à chaque tentative.
A son arrivée aux urgences, il ne pèse plus que 39 kilos. Si je regardes son visage, je ne vois quasiment pas de trace de son faible poids et des dégâts que son corps a subit.
Par contre, dès que je vois ses avants bras, ses bras, ses mollets, dès que je devines ses jambes sous son pyjama, une seule image me vient à l'esprit : celle des déportés, celle d'êtres décharnés.
Seul son visage fait croire que tout va « presque » bien. Le reste est une terrible réalité et j'ai mal.

Aujourd'hui, nous sommes le 16 mai. La seconde tentative de fibroscopie a eu lieu hier matin. Nouvel échec. Encore une toux réflexe qui ne permet pas le passage de la moindre sonde, si petite soit elle.
Je ne sais pas ce que va dire le professeur cette fois ci. Va-t-il encore nous dire que c'est probablement un aliment qui est encore coincé ? Ou va-t-il oser nous dire que c'est l'évolution de la maladie, avec des chairs qui recouvrent la prothèse et qui empêchent l'alimentation ?
A cela s'ajoutent les métastases aux poumons, et la douleur persistante dans l'épaule droite.
Si j'ose regarder ça en face, que je me penche un peu sur le net, il ne m'est pas difficile de comprendre que c'est un stade 4. Et qu'est-ce qui a été fait en 15 jours ? Rien, tout simplement rien dans la gestion du cancer et de son évolution. Pas d'infos, rien que des examens ratés ou dont mon père ne connaît pas le compte rendu (le scanner de vendredi dernier).

Samedi ; nouvelle consultation avec un oncologue, et transfert dans une clinique privée.
De mémoire, j'avais compris que la chimiothérapie ne serait possible que si mon père reprenait du poids.
J'ai aussi entendu le terme de chimiothérapie de confort. En discutant avec une amie dont la mère était infirmière (notamment en oncologie), je comprend que les chimios de confort, ça n'existe pas. Du moins, ça existe mais cela signifie chimio palliative pour accompagner la douleur et permettre une fin de vie plus « digne ».
Mon père pèse 40 kilos. Je sais qu'une chimio est tout sauf anodine. L'organisme en prend un coup. Comment une personne adulte, âgée de 64 ans, affaiblie, ne pesant plus que 40 kilos, peut-elle supporter un tel traitement ? J'ai comme un gros doute...
Alors je me pose la question de savoir si c'est une vraie chimio, ou si c'est un cocktail palliatif.

Dans quelques semaines, j'aurai 37 ans. J'espère pouvoir être avec mon père pour les fêter, et aussi pour fêter ses 64 ans.

Aujourd'hui, je ne sais plus quoi faire, ou du moins qui être. Je pourrais être optimiste. Je pourrais être pessimiste. Je pourrais aussi être protecteur envers les autres. Je ne veux rien de tout cela.
Je fais le choix d'être réaliste et de vivre ce que j'ai à vivre. Je ne peux pas protéger les autres. Chacun voit ce qu'il veut voir. Je choisis de voir mon père, et de l'accompagner au mieux, en toute sincérité.

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