mercredi 26 décembre 2012

A quatre mains.

1er noël sans...eux.

1er noël sans un coup de fil au padré, ni même une carte. Et la nouvelle année sera identique à ce noël.
Ce qui change, je suis maintenant l'aîné de la famille. Je ne parle pas des oncles, des tantes, cousins et cousines... Je suis l'aîné des deux enfants devenus grand. Même si c'est purement symbolique, cela compte quand même.
Cela n'a pas toujours été ainsi. Enfin si, je suis et je reste l'aîné des deux, mais avant, il y avait le padré...et encore avant, il y avait notre mère.
Petit flash back de 13 ans pour ceux que ça intéresse.
22 novembre 1999, elle aurait dû fêter ses 49 ans.
Septembre 1999, une vie s'est arrêtée dans des conditions de merde, avec une souffrance des deux côtés du miroir.
Encore des non dits, des oublis, de la colère, de la rancoeur. Certes, 13 ans après, cela a été évacué, certaines choses sont sorties, ont été dites, un peu comme une remise à l'heure des pendules.
Ce premier billet va nous emmener avec Babeth sur un partage des évènements, un récit à 4 mains à travers nos blog respectifs.
Histoire de boucler la boucle, de se souvenir, de ne pas oublier, et de continuer d'avancer car nous sommes tout deux des parents à ce jour.

jeudi 15 novembre 2012

423, la suite

Durant ces 3 mois d'accompagnement, j'ai fais le choix d'être le "lien" entre famille et staff médical, non pas pour filtrer les infos transmises, mais pour les traduire et éviter les pertes de temps inutiles.
Lors de cette dernière nuit passée à l'hôpital, j'ai choisi d'être présent en soutient pour lui et en relais avec l'équipe de nuit.
Je n'ai pas dormi de la nuit, toujours à être en vigilance accrue par rapport à son état physique. Peu de paroles échangées, beaucoup de café et de coca en consommation nocturne. Des regards, une main posée sur l'épaule en soutient... C'était ma façon d'être là. Je n'étais pas là pour dire au revoir, mais pour le soutenir durant cette nuit.
Le lendemain, place à la famille. Ma soeur et la belle mère sont là, passent du temps dans la chambre.
Moi, je me suis éclipsé pour prendre une douche, et je navigue entre la machine à café, et le couloir. Je n'ose interrompre ces instants privilégiés entre eux tous. Chaque fois que je rentre dans sa chambre, je sens l'émotion, des larmes, des silences, mais des temps où ils se disent au revoir, se soutiennent...et du coup, je ne prend pas ma place pour moi même dire au revoir. Peut être que je l'ai déjà fait inconsciemment. C'est même certainement le cas. Mais je ne prend pas ma place pour lui dire au revoir en le regardant dans les yeux et en le soutenant.
Après, ça s'enchaîne. L'hypercapnie est très rapide et l'état de conscience du padré s'effiloche en un rien de temps. La décision est prise...et après tout se précipite.
Il me manque quelque chose de "formel" dans ce scénario, mais il est déjà écrit, il a déjà été joué, et y'a pas de second opus possible.
 Au moment où j'aurai pu prendre ma place de fils auprès de son père, j'ai pas osé le faire. Je souhaitais permettre à Babeth de vivre ce qu'elle avait à vivre dans ces derniers instants, et j'ai aussi souhaité que sa femme puisse dire au revoir alors même que...elle avait fait le choix de ne pas prendre sa place durant ces 3 derniers mois.
Je me dis que j'aurai mieux fait d'éjecter la belle mère et d'être là avec Babeth et le Padré, juste entre nous trois. D'ailleurs, à son dernier souffle, était présente sa vraie famille...de sang.


vendredi 26 octobre 2012

Chambre 423

Chambre 423, un autre regard.

Bientôt 3 mois qu'il a fermé les yeux pour une nouvelle aventure. Et je me dis que ce laps de temps correspond à la période d'hospitalisation (en structure et à la maison). La balance s'équilibre, et peut être que ce laps de temps est nécessaire pour écrire, poser le vécu, l'évacuer sans pour autant l'assimiller à un déchet que l'on souhaite soustraire au regard en tirer une chasse d'eau. Un peu comme un accouchement après 3 mois de travail.

Chambre 423, un simple numéro pour certains, quasi deux mois de souvenirs pour moi.

Je ne sais pas par quel bout prendre ce billet, ni dans quel ordre. Il me faut du temps pour remettre un peu d'ordre dans mes souvenirs, dans la chronologie.

Pour moi, et c'est ma vision toute personnelle et subjective, le début de cet épilogue démarre avec la pose de la gpe, tant attendue après des semaines à être promené à droite à gauche.
Enfin, un choix clair, une information à peu près claire sur les risques, les buts visés, ce que ça permettrait.
L'opération se déroule bien, il a le sourire, une lueur d'espoir et d'optimisme, non pas sur l'échéance à venir, mais sur le temps restant à profiter de la vie, de la famille, des amis.
Quelques heures à attendre pour mettre en place l'alimentation via la gpe. D'abord tester avec de l'eau, pour vérifier l'efficacité avant d'y mettre du nutritif, si ma mémoire ne me joue pas de tour.
Cela se déroule sur une nuit, nous sommes confiants, optimistes.
Le matin, je décide de venir seul, de bonne heure, pour voir comment ça s'est déroulé.
Rejet. Un simple mot, mais qui en dit long. L'estomac n'a pas vraiment supporté l'intronisation d'un « aliment » après tant de mois de diète forcée. Le padré a vomit, à plusieurs reprises. De l'incompréhension pour lui, et un terrible constat amer pour moi qui me confirme un pressenti déjà en place avant la pose de la gpe, à savoir que c'est peut être « trop » tard.
Il ne souhaite pas être vu par sa fille, ni par sa femme. La peur de choquer ou de briser l'espoir.
Mais elles viennent quand même, après qu'il ai pu être lavé pour reprendre un peu de « fraîcheur » et de contenance.
La journée est longue à s'écouler, d'autant plus qu'il n'a plus d'alimentation en place. Il est sur des réserves inexistantes, depuis bien trop longtemps épuisées.
Je prend une décision, qui a le don de l'irriter en apparence, mais dont je sais qu'il en est reconnaissant au fond de lui. Je demande aux filles du service de mettre en place un lit de camp afin que je puisse être présent la nuit à venir, lors du nouveau test. Cela me permettra d'être là, d'être attentif, et aussi d'être en relais pour prévenir l'équipe de nuit en cas de soucis.
Quelques vidéos chargées sur le portable, et la promesse de tenir informée ma compagne et babeth par textos ou par appel si besoin. Nous nous doutons tous que la nuit ne va pas être simple.
Effectivement, elle ne l'est pas. De nouveau rejet, mais ça empire au niveau des conséquences. Dans ce qu 'il recrache par voie orale, une partie se dirige dans les poumons qui commencent à se remplir. Dur de le voir s'affaiblir plus qu'il ne l'est déjà, de le voir chercher de l'air, de le voir avec le souffle court. Je me doute bien qu'il sait ce qui se prépare. Nous ne sommes pas dupes. Plusieurs fois dans la nuit il vomit, et ses poumons se remplissent inexorablement. Pas possible de l'aspirer apparemment...mais une promesse du staff de voir l'équipe anti douleur au plus tôt le matin.
Le matin justement, avec du soutient de la famille présente, du relais. Je vais souffler un peu, et laisser la place à ma sœur et à ma belle mère pour qu'elles puissent toutes deux être là, saisir ces derniers instants. Nous n'avons pas d'échéance donnée par un toubib, mais nous savons que ça approche.
Je fais des aller retour, entre la chambre 423, la cafét, et une douche nécessaire. A chaque fois que je monte dans la matinée pour le voir, j'entre dans la chambre et en ressort aussitôt car je le vois accompagné, sa fille à ses côtés, ou sa compagne.
Cela se dégrade.
Le staff anti douleur est là, tout comme son hypercapnie. Nous avons déjà tous discutés des possibilités légales « offertes », afin qu'il ne souffre pas, et surtout qu'il n'ait plus cette sensation d'étouffer. Nous savons ce que ça implique, et lui le savait aussi. Un jour, max deux...mais pas une dizaine d'heures...
L'après midi est plus paisible. Après la sédation, c'est des temps de silence, d'accompagnement...de soutient tant que peut se faire.
Le soir approche, et une nouvelle décision est prise. Cette nuit du 30 juillet, babeth et moi sommes à ses côtés, en espérant passer la nuit tout les 3.
Un peu de fond sonore, c'est la natation, une nouvelle victoire tricolore sur fond de marseillaise. Babeth et moi discutons, la vie continue...et lui choisit de s'en aller tranquillement, peut être en paix avec le fait de voir (ou d'entendre) que nous sommes dans le présent. Un peu comme s'il avait senti que c'était le bon moment pour lui, pour nous.

(la suite, plus tard, mais pas dans 3 mois)

lundi 9 juillet 2012

Une pause douceur

 Une petite pause douceur du côté de St Brieuc.
A défaut de voir un coucher de soleil sur l'océan, je me suis contenté de ses reflets sur la manche...avec en prime une ballade sur le sentier des douaniers.





Côté baie de St Brieuc, avec l'entrée sur le port...
Les couleurs changent vite en plus. Il y avait des teintes verts émeraudes par moment, au pied de la "falaise".





Juste quelques heures d'évasion...et ça a fait un bien monstre. Ne penser à rien si ce n'est ce paysage, le soleil, la mer, les rayons du soleil se reflétant sur l'eau.
Prochaine étape, les Monts d'Arrée...et leur forêt mystique. A la recherche des lutins, des fées et autres farfadets. Et ça sera probablement une promenade en famille, avec ma tribu...

jeudi 5 juillet 2012

Reset

Une simple touche pour tout effacer et tout reprendre depuis le moment où ça a merdé ! Qui n'a jamais rêvé de pouvoir tout effacer afin de mieux redémarrer ?
En ce jour pas si particulier que ça, j'aimerai vraiment pouvoir effectuer un reset. J'ai la désagréable impression que nous allons droit dans un mur, et chaque jour qui passe semble me le confirmer un peu plus. Je vois ce mur arriver à vitesse grand V, j'ai beau essayé de freiner ou de changer de trajectoire, rien n'y fait. La collision me semble inévitable et bien trop réelle.
Que de temps perdu suite à des choix inadaptés. Que de temps perdu suite au manque de communication et d'information.
Qui décide quoi ? Qui décide quels actes faire ou ne pas faire ? Qui décide du droit de vie ou de mort ?
Quelqu'un a ce pouvoir, et en fonction de son ressenti, il en joue. Peut être pas de façon consciente, mais il en joue.
Mon père, El Padré, a une chambre implantable depuis plusieurs mois. Au début, elle était là, dans le but de pouvoir mettre en place une thérapie sous forme de chimio.
Fin Avril, El Padré est hospitalisé en urgence. Les aliments ultra protéinés (sous formes de crèmes) ne passent plus par l'oesophage et sa prothèse. Quelqu'un décide alors de l'hospitaliser en gastro pour qu'il puisse reprendre un peu de poids. La chambre implantable semble toute indiquée pour permettre un autre type d'alimentation. A court terme, l'idée est bonne. A court terme oui. Deux mois déjà (même un peu plus). Ce n'est plus du court terme. A chaque nouvelle "poche alimentaire" posée (une toutes les 24 heures), le risque infectieux est là. D'ailleurs, il est tellement là qu'il semble s'être fait un nid douillet. Quelqu'un a décidé de maintenir ce type d'alimentation malgré le risque infectieux.
La prothèse n'était pas adaptée (trop courte dès le départ mais c'est ce que le Doc avait en stock à ce moment...). Il y avait aussi l'option chirurgie afin de mettre en place une alimentation par sonde. Quelqu'un a décidé vraisemblablement que ça en valait pas la peine (espérance de vie trop courte pour se prendre la tête avec la chirurgie ?).
Pourtant, l'alimentation par sonde aurait été bien plus indiquée dans la mise en place du retour à la maison.
A ce jour, la pose d'une nouvelle prothèse est programmée en début de semaine prochaine. On ne sait toujours pas quel est le bénéfice de cette intervention (ni son but avoué au final), et nous ne connaissons pas non plus le risque.
Ce que l'on sait, c'est qu'il faut supprimer ce risque infectieux. Mais voilà, toujours cette omerta autour de ce qu'il y a à faire. Nous ne sommes pas plus avancé qu'il y a deux mois. Pire, je dirais même que c'est encore plus flou.

El Padré est dans sa chambre, à attendre, à être de plus en plus confus. Nous, nous sommes de plus en plus isolés, repliés sur nous même. Quelque chose ne tourne pas rond, c'est vicié.

Je regardes autour de moi, dans la rue, le métro, le bus... Je vois des individus, côte à côte, tous branchés sur leur mp3, leur ipod, leur téléphone portable, leur psp... Ils vont tous dans la même direction, sans se voir, sans se parler. Et moi, je fais quoi ? Je fais de même...je prend mon mp3, je charge Noir Désir, Satan Jokers, du bon rock français...et j'avance. Je me vide l'esprit, je me réfugie dans la musique, seul havre de paix pour moi en ce moment car je suis perdu. D'écrire ça me fait pleurer.
Les infirmières sont à l'écoute, tout comme les aides soignantes ou les ash...mais que peuvent elles faire à part répercuter l'info que quelque chose ne va pas ? Si les blouses blanches n'écoutent pas, qu'elles continuent de jouer avec leur pouvoir de vie et de mort sans en être conscientes, ça sert à rien. Ce service, tout comme l’hôpital dans son ensemble, reste une somme d'individualités.
1+1=2 ? je dis que 1+1 devrait faire au moins 3. L'intelligence collective va bien plus loin que la somme des individualités.

Reset ? Même pas en rêve.

mardi 3 juillet 2012

La présence du dernier instant

De retour après quelques semaines d'absence... Une absence nécessaire pour recharger les accus et me connecter à ma famille, ma compagne, mes gosses...et celui à venir.

Le temps de venir à l'essentiel est malheureusement venu. Il a fallu une naissance et une rencontre pour que tout s'accélère très vite. C'était prévisible, mais ce n'est pas simple pour autant de prendre la réalité en pleine gueule. Une rencontre entre le padré et son nouveau petit fils, rencontre immortalisée par une chouette photo de Babeth.
Une première alerte a eu lieu quelques jours après la naissance me semble-t-il. Cela a été mis sur le compte d'un changement de traitement.
Puis une seconde alerte bien plus sérieuse le lendemain de la rencontre, avec à la clé un nouveau séjour aux urgences suivi d'une hospitalisation. Nouveau service, nouvelle équipe...loin du niveau de la précédente, c'est malheureux à dire.

Je recoupes les différentes infos glanées à droite à gauche et je comprend ce qu'il y a à comprendre.
La semaine s'annonce dure, stressante. Je vais être dans l'attente. Chaque instant compte, chaque regard échangé et partagé se grave dans les souvenirs. Peu de mots, juste être là, dans la présence de l'instant. Un geste, un touché vrai. Je restes centré sur moi et je vis ce que j'ai à vivre. Les autres font leur vie...et chacun est responsable de ses choix.

Je pourrais être une fois de plus en colère contre le monde médical, les incohérences, les choix absurdes.
En mode humour, ou pseudo humour, je pensais venir ici avec une hache pour faire un massacre "virtuellement" parlant tant la moutarde me montait au nez.
Mais voir la réalité telle qu'elle se présente à mes yeux aujourd'hui me fait changer mon fusil d'épaule. Il est temps de passer à autre chose, de ne plus être dans l'affrontement. Juste temps d'être présent, attentif, rassurant et de l'aider à partir.
Le padré est conscient, bien conscient, même si les pertes de mémoires sont de plus en plus flagrantes à mes yeux. Ce qui est dur, c'est l'inconnue du moment et de la façon dont il va partir. Serais-je là ou pas ? Aurais-je le temps d'arriver si c'est en pleine nuit ? Et surtout, comment va-t-il vivre ce départ ? Un coeur qui lâche sur un choc sceptique, c'est loin d'être sans douleur, surtout avec l'essoufflement et l'impression de ne pas pouvoir trouver son souffle.
Le palliatif (dans le sens cocktail de médicaments) a ses limites dans ce genre de situation. Il me semble qu'à ce niveau, c'est de présence dont il a besoin... La présence du dernier instant.

vendredi 25 mai 2012

La mort intime

Ce livre de Marie de Hennezel n'est pas une révélation pour moi  mais un soulagement. Je suis soulagé de voir qu'un patient n'est pas qu'un numéro de sécu. Je suis soulagé de voir que des docteurs sont à l'écoute du ressenti des patients, qu'ils les écoutent et les entendent quand ces mêmes patients disent "je veux mourir". Je suis soulagé de voir qu'un patient sait qu'il va mourir, et que des médecins respectent cela.
C'est pas grand chose en soit, mais après ce que je viens de vivre avec mon père, après ce qu'on vient de rencontrer comme résistances de la part du personnel médical, ce livre est une vraie bouffée d'air pur.
Cela me donne aussi des pistes de réflexion sur ce que j'ai envie de vivre avec mon père, la façon dont je souhaites être présent.
L'haptonomie est un outil formidable. Je l'avais déjà mis en application pour la naissance de mon fils, puis à travers ma relation aux patients lorsque j'étais ambulancier. J'ai envie de me reconnecter à cela.

Aujourd'hui, tout le monde semble enfin aller dans la même direction afin de mieux accompagner mon père.
Les médecins se sont enfin alignés. Cela n'a pas été simple, bien au contraire. Il a encore fallu discuter, écouter la langue de bois, revenir à la charge auprès du médecin qui le suit mais hors présence de mon père cette fois, afin qu'elle puisse parler librement. Puis, ce fut autour de mon père de discuter avec ce médecin, de lui faire part de sa colère d'être pris pour un enfant à qui on cache la vérité de crainte que...que quoi d'ailleurs ? Qu'il ne comprenne pas ? Qu'il n'entende pas ? Bref, le médecin a enfin pu entendre et écouter mon père. Et mon père a enfin pu entendre et écouter le médecin.
Il était temps, après 3 semaines dans le service. Les dysfonctionnements ont été pointés du doigt, les choses ont été dites. Et tout le monde est conscient que mon père sait où il va, et que c'est son choix.
Ce qui compte maintenant, c'est de l'entourer et de le soulager. Je l'ai compris, sa famille l'a compris, et le personnel hospitalier dans son ensemble l'a compris aussi.

Nous évoquons même aussi la possibilité d'un accompagnement à domicile. Rien ne s'y oppose, au contraire. L'Hospitalisation à domicile est envisageable, et même envisagée avec sourire par le padré.

Moi, je respires mieux. Maintenant que le technique est "réglé", je vais pouvoir me concentrer enfin sur autre chose. J'ai moi même des choses à partager avec mon père, et maintenant que mon esprit n'est plus parasité par cette position inconfortable entre mon père et le staff, je vais pouvoir enfin profiter de ces instants.

Ici, il fait beau, le soleil brille, le ciel est bleu. Mon père va mourir, c'est vrai. Mais la mort est une étape comme une autre, elle fait partie de la vie. Il a encore des choses à vivre, même si c'est juste pour quelques jours, quelques semaines.

jeudi 17 mai 2012

De l'égalité des chances devant la maladie

Terrible constat que celui de réaliser que tous les êtres ne sont pas égaux devant la maladie.
Je ne parles pas de tiers monde, quart monde, pays industrialisé ou en voie d'émergence. Je parles seulement du fait d'habiter en ville ou à la campagne, du fait d'être urbain ou rural; du fait d'être proche d'une ville de plus de 100.000 habitants ou d'une ville d'à peine 10.000 âmes.
Impossible de réaliser une fibroscopie sous anesthésie générale avant une semaine. Que ce soit ici, dans le centre bretagne, ou que ce soit à 40 minutes du centre bretagne, dans une ville bien plus importante d'environ 50.000 habitants. En soit, c'est un délais acceptable, logique, dans des circonstances dites "normales". Mais là, ça fait déjà plus de 15 jours que mon père est hospitalisé, ça fait déjà deux tentatives de fibroscopie qui sont autant d'échecs. Plus de 15 jours que le problème est connu, qu'il faut que cet acte soit réalisé. Plus de 15 jours passés en gastroentérologie et que la seule chose de faite concerne l'alimentation.
Déjà 6 jours que le scanner a été réalisé, et toujours personne pour l'interpréter !!!
Plus de 15 jours qu'il a une douleur à l'épaule qui se ballade un peu partout, d'une épaule à l'autre, de l'épaule au bras... et à part des anti douleurs, rien n'a été fait pour en connaitre l'origine.
Alors c'est quoi le problème ? Ca vaut pas le coup de réaliser ces actes car c'est un stade avancé ? Y'a une pénurie de praticiens hospitaliers ?
Il habiterait Nantes, Rennes, Grenoble, Toulouse...que ça serait une autre histoire. Il habiterai dans une grande agglomération que ses chances de vivre un peu plus longtemps et mieux seraient sans comparaison aucune à celles que les médecins du centre bretagne lui octroient à ce jour.
Je me doutes bien qu'il n'est pas un cas isolé, que cette histoire est partagée par des milliers de personnes.
Je suis écoeuré par ce système de santé, écoeuré par ce système politique. L'un ne va pas sans l'autre.
Ecoeuré par ce temps perdu et cette maladie qui progresse.

mercredi 16 mai 2012

Les toubibs sont mes amis...la suite

Ca doit être terriblement dur d'être médecin dans un hôpital. Il faut savoir raser les murs, esquiver la famille des patients, embrumer le patient lui même, botter en touche aussi tel un rugbyman qui vous renvoie la gonfle 50 mètres plus loin. Là, je prend une leçon dans toute sa splendeur.
La docteuresse pas encore thésée prend soin de m'éviter.
Comment ça je fais peur ? Je ne mesure qu'1m82, et ne pèse que 87 kilos.
Comment ça je fais peur ? J'ai un bouc, une barbe, des cheveux longs... et alors ?  Chabal aussi, d'ailleurs lui, il a clairement copié sur moi. Il était encore minot et imberbe que j'avais déjà mes cheveux longs et ma barbe. Comment ça je fais peur ? J'ai pourtant une voix de ténor, je parles tranquillement, sans être agressif...

Heureusement, il y a l'autre toubib, le professeur. Celui là, il se rend disponible et ne botte pas trop vite en touche. Il est conscient que la situation est délicate, et que ça commence à faire long, surtout pour mon père. Enfin, nous avons quelques informations claires, du moins concernant la date de la fibroscopie sous anesthésie générale.  
- Ca sera...le 24 mai. Heu, oui, ça fait loin, mais il n'y a que cette date de disponible à l'hôpital. Mais, peut être qu'on peut trouver une date plus proche, du côté de St Brieuc, afin de ne pas trop retarder la date de transfert...ça serait bien même.
- Et sinon, on attend toujours les résultats du scanner de vendredi dernier. 
- Heu oui, je sais, mais ne vous en faites pas, vous les aurez. C'est juste que là, il y a peu de médecins pour les interpréter, et il y a beaucoup de scanners réalisés, donc il y a du délais. 
Dommage, tu viens de passer de la catégorie "toi je t'aimes bien" à celle "ben toi t'es presque comme les autres". Le compte rendu, si on veut l'avoir, faut le demander, tout simplement. C'est ce que j'ai appris sur le tas en tant qu'ambulancier. Il suffisait de demander, et d'attendre un peu, et généralement nous avions ce fichu papier en moins d'une heure.

Heureusement, tout n'est pas noir. Il y a la compréhension des infirmières qui vous trouvent l'info que vous cherchez en un rien de temps. Il y a la secrétaire du service qui bouscule un peu la toubib. Il y a toujours ces infirmières qui vous disent de rappeler en fin de journée pour vous dire si la permission du padré est validée ou pas.Il y a aussi ces sourires des ash, et leurs plaisanteries. Ca fait du bien tout ça, ça redonne un visage humain au service, et ça donne envie de rester calme plutôt que pousser une gueulante en plein dans le couloir pour que chacun soit conscient de la situation.

Finalement, ce billet aurait pu s'intituler "les infirmières sont extra, et les ash aussi".

Des vents contraires


Je pourrai dire la langue de bois, ou faux semblants, mais cela serait moins poétique. Plus percutant oui, mais moins poétique.

C'est le film du même nom qui m'inspire ce titre. Un film magnifique avec Benoît Magimel et Audrey Tautou.
Mais aujourd'hui, je ne retiens que le titre, et je vais écrire un tout autre scénario.

Mon père, le padré, va sur ses 64 ans, c'est un gémeaux, comme moi. Depuis février il est au courant qu'il a un cancer de l'oesophage. Le cancer n'est pas opérable, par contre il lui a été posé une prothèse dans l'oesophage afin de le dilater pour permettre une alimentation dite « normale ».
30 avril, jour d'anniversaire de ma petite sœur. Notre père est hospitalisé en urgence suite à une déshydratation et un ammaigrissement sévère. 10 jours de non alimentation ont suffis à lui faire perdre le peu de poids qu'il avait repris grâce aux produits adaptés à son état de santé. Son estomac a refusé tout aliment solide ou liquide, provocant des glaires à chaque tentative.
A son arrivée aux urgences, il ne pèse plus que 39 kilos. Si je regardes son visage, je ne vois quasiment pas de trace de son faible poids et des dégâts que son corps a subit.
Par contre, dès que je vois ses avants bras, ses bras, ses mollets, dès que je devines ses jambes sous son pyjama, une seule image me vient à l'esprit : celle des déportés, celle d'êtres décharnés.
Seul son visage fait croire que tout va « presque » bien. Le reste est une terrible réalité et j'ai mal.

Aujourd'hui, nous sommes le 16 mai. La seconde tentative de fibroscopie a eu lieu hier matin. Nouvel échec. Encore une toux réflexe qui ne permet pas le passage de la moindre sonde, si petite soit elle.
Je ne sais pas ce que va dire le professeur cette fois ci. Va-t-il encore nous dire que c'est probablement un aliment qui est encore coincé ? Ou va-t-il oser nous dire que c'est l'évolution de la maladie, avec des chairs qui recouvrent la prothèse et qui empêchent l'alimentation ?
A cela s'ajoutent les métastases aux poumons, et la douleur persistante dans l'épaule droite.
Si j'ose regarder ça en face, que je me penche un peu sur le net, il ne m'est pas difficile de comprendre que c'est un stade 4. Et qu'est-ce qui a été fait en 15 jours ? Rien, tout simplement rien dans la gestion du cancer et de son évolution. Pas d'infos, rien que des examens ratés ou dont mon père ne connaît pas le compte rendu (le scanner de vendredi dernier).

Samedi ; nouvelle consultation avec un oncologue, et transfert dans une clinique privée.
De mémoire, j'avais compris que la chimiothérapie ne serait possible que si mon père reprenait du poids.
J'ai aussi entendu le terme de chimiothérapie de confort. En discutant avec une amie dont la mère était infirmière (notamment en oncologie), je comprend que les chimios de confort, ça n'existe pas. Du moins, ça existe mais cela signifie chimio palliative pour accompagner la douleur et permettre une fin de vie plus « digne ».
Mon père pèse 40 kilos. Je sais qu'une chimio est tout sauf anodine. L'organisme en prend un coup. Comment une personne adulte, âgée de 64 ans, affaiblie, ne pesant plus que 40 kilos, peut-elle supporter un tel traitement ? J'ai comme un gros doute...
Alors je me pose la question de savoir si c'est une vraie chimio, ou si c'est un cocktail palliatif.

Dans quelques semaines, j'aurai 37 ans. J'espère pouvoir être avec mon père pour les fêter, et aussi pour fêter ses 64 ans.

Aujourd'hui, je ne sais plus quoi faire, ou du moins qui être. Je pourrais être optimiste. Je pourrais être pessimiste. Je pourrais aussi être protecteur envers les autres. Je ne veux rien de tout cela.
Je fais le choix d'être réaliste et de vivre ce que j'ai à vivre. Je ne peux pas protéger les autres. Chacun voit ce qu'il veut voir. Je choisis de voir mon père, et de l'accompagner au mieux, en toute sincérité.

lundi 14 mai 2012

15 jours pour....ça ?

Aujourd'hui, c'est jour de consultation, mais pas avec n'importe qui. Cette fois c'est avec l'oncologue. Enfin, il était temps que la question principale soit abordée.

Si je fais un rapide bilan de ces 15 jours d'hospitalisation, ils peuvent ce résumer à ceci :
- un petit kilo en prise de poids
- une fibroscopie qui n'a pu être réalisée
- un scanner réalisé
- une visite chez l'oncologue.

Si je rentres dans le détail, ça donne ceci :
- un kilo repris, mais quel bordel dans la mise en place des poches d'alimentation par perfusion. Les deux dernières posées en soirée ont été mal dosées d'un point de vue débit (trop lent). Au final, du retard dans l'alimentation. C'est peut être pas grand chose, mais quand le patient pèse à peine 40 kilos, ça a son importance il me semble.
- une fibroscopie non réalisée pour cause de spasme respiratoire. Personne ne souhaite prendre la responsabilité d'une anesthésie plus adaptée pour réaliser l'acte. Oui, c'est vrai qu'il y a un risque. Le risque qu'il ne se réveille pas ? Oui, bon d'accord... Et quel est le risque si rien n'est fait et qu'on laisse les choses en l'état ?
- un scanner réalisé, mais dont personne ne connait les résultats semble-t-il.
- une visite chez l'oncologue pour un "bilan", pour prévoir la suite. Mais difficile pour lui de se faire une idée s'il n'a pas les clichés du scanner, ou du moins le compte rendu, s'il n'a pas d'infos plus précises que celles que nous lui avons communiqué sur la fibro non réalisée. Il est au courant pour les possibles métastases aux poumons, pour la douleur dans l'épaule droite qui a tendance à se ballader, mais il n'a rien de concret sous les yeux, car le dossier est vide...
Mais bon, le point positif est qu'une nouvelle consultation avec l'oncologue est prévue samedi prochain, avec dans la foulée une hospitalisation dans son établissement afin de démarrer la chimiothérapie dans 8 jours.

Enfin, on va pouvoir passer aux choses sérieuses car là, franchement, je ne vois pas à quoi a servi l'hospitalisation en gastroentérologie pendant 15 jours. Je ne vais pas dire que nous avons perdus 15 jours. Ils étaient nécessaires à la (re) prise de poids... mais quand même, pendant 15 jours, seule la question de l'alimentation a été prise en compte, du moins c'est mon ressenti.

Et à part ça ? Trajet épique en ambulance, non pas toutes sirènes hurlantes, mais avec la jolie guirlande bleue allumée pour...rattraper  le retard des ambulanciers au départ. Encore une galère avec le contrôleur électronique de débit des perfusions qui ne supporte pas les trajets en véhicule, tout simplement.
Toujours trajet épique en ambulance à l'aller car fallait se dépêcher, et que donc...la douceur et la souplesse n'étaient pas de rigueur (enfin à peine). Dites les gars, vous connaissez la notion de volémie ? Vous connaissez l'impact d'une conduite non adaptée sur la circulation sanguine ? Je sais pas ce que vous apprenez lors de votre DA, mais ça craint...

Je restes en colère quand je vois que les informations ne circulent pas. Je trouves ça hallucinant, que de nos jours, il faille encore courir après des comptes rendus, des clichés, ou même un simple courrier.

samedi 12 mai 2012

En vrac

Aujourd'hui, c'était permission. Demain, cela sera permission aussi. Nous avions la possibilité de demander une permission de 48 heures consécutives, mais après une courte réflexion, nous avons retenu l'option deux fois 24 heures.  Cela permettait un confort plus appréciable pour tous avec un retour en structure le soir.
En tant qu'ancien ambulancier, j'ai quelques souvenirs de ce qu'impliquait la dite permission. Il y avait la notion d'heure de départ et d'heure de retour, les sacs, le fauteuil électrique dans certains cas, sans oublier le patient. Par moment, nous étions plus des déménageurs que des ambulanciers (essayez de faire rentrer un fauteuil électrique dans une ambulance en plus du brancard et du patient, vous verrez, c'est folklo). Enfin, pour nous, il y avait surtout le sacro saint bon de transport qui était important (sinon, le boss gueulait pendant des jours). Bon de transport, bon de marchandise...cela fait très bétail tout ça. On en oublierait presque que derrière le numéro de sécu il y a un être humain. Alors que si je dis prescription médicale de transport, ça en jette un peu plus, mais ça interpelle aussi dans les services lorsque l'on demande la prescription médicale de transport. Bref, je m'égares...
Donc aujourd'hui, c'était permission, sans prescription médicale de transport vu que le trajet était organisé en véhicule particulier. Je sais pas pourquoi, j'ai pas osé demander l'ambulance. J'avais comme un vague pressentiment sur la difficulté que ça allait soulever pour le médecin du service qui suit mon père. Et puis, pour le moral, c'est clair que le type de véhicule de transport a un rôle non négligeable. Certes, faire le trajet dans un (vieux) J5, mode minibus 9 places, c'est assez épique. Mais lorsqu'en plus on rajoute l'option porte perf et appareil électronique pour contrôler le débit, ça devient tout de suite plus marrant. Mais bon, passons, c'est une question d'habitude. Le trajet s'est bien déroulé. Celui du soir aussi, tout comme l'intermédiaire du matin aussi, alors qu'il n'était pas prévu.
Vu que la journée s'annonçait très belle, nous avons inconsciemment choisi de la pimenter avec une petite difficulté imprévue, à savoir les bulles d'air dans la tubulure. Oups, pas si bon que ça les bulles d'air dans la tubulure qui va dans la chambre qui va dans l'artère... Je sais, je vous vois sourire vous les médecins, mais moi, je ne suis ni médecin, ni infirmier, je suis un fils qui entend la pointe d'inquiétude de son père. Comment ça se purge ce truc ? Mais au fait, pourquoi il y a des bulles d'air ? Ah, ben oui, c'est normal en fait...cela provient probablement d'un défaut de fonctionnement de l'appareil qui sert à contrôler le débit, celui la même qui avait déjà ce problème de fonctionnement avant d'être envoyé en révision... Donc on se prévoit un petit aller retour à l'hôpital, mais après la pause cigarette s'il vous plaît.
Je résumes pour ceux que j'ai perdu en route : un appareil défectueux quelques jours auparavant (et dont mon père avait l'usage), une révision, un retour dans le service pour l'usage de mon père, et toujours le même défaut constaté. Y'a comme qui dirait un bug. Mais bon, pas grave, pas d'affolement, l'hôpital était à 10 minutes de la maison, et on pouvait très bien faire sans cet appareil. D'ailleurs, le reste de la journée s'est déroulé sans incident. Ciel bleu, soleil réchauffant nos carcasses, un peu de vent. Des petits enfants qui jouent, la famille est présente et entoure mon père. Personne n'avait envie de bouger, nous étions là, tranquillement installés, à discuter de tout et de rien, comme un samedi à la campagne en famille. Et plus aucune bulle d'air !
Mine de rien, ces petits moments font du bien.
J'ai pu retrouver ma famille qui est arrivée hier soir pour une durée indéterminée. Je peux me ressourcer auprès de ma compagne et de nos enfants, prendre soin de moi pour pouvoir mieux prendre soin des autres après.
Et demain, un nouveau jour se lève. Pour le moment, tout va presque bien...
Je fais quelques raccords avec de nouveaux éléments sur la maladie de ma mère que je n'avais pas en tête à l'époque (pas entendus, ou pas enregistrés). C'est évacué depuis un moment déjà, et je me dis que cette fois j'ai envie que l'information circule sans encombre, histoire que tout le monde sache où on va réellement.
L'avenir est plus que jamais incertain, mais aujourd'hui, je peux me ressourcer...un peu.

jeudi 10 mai 2012

Les toubibs sont mes amis

Si si, c'est vrai. J'adore les toubibs. Tout petit déjà, j'adorais aller voir le docteur. J'adorais tellement que j'y aller...à reculons.
Puis j'ai grandi; beaucoup grandi. Et en grandissant, j'ai appris à courir à reculons pour aller voir le toubib.
Puis j'ai appris un métier, celui d'ambulancier. Alors là, les toubibs sont vraiment devenus mes amis, surtout ceux qui n'étaient jamais là et qui nous laissaient un petit courrier chez le patient..., sans bilan, sans rien, avec à peine une transmission pour le service des urgences dans une enveloppe fermée qu'il ne fallait surtout pas ouvrir car parce que hein, j'étais juste un simple petit ambulancier.
Mais à part ça, j'aime bien les toubib, avec leurs grandes phrases, leurs mots savants, leur regard de trèèèèèès haut perché. J'aime bien les toubibs qui n'osent pas dire les choses en face. Je ne parles pas de dire à moi qu'il y a des métastases aux poumons de mon père, ça je le sais déjà. Mais au moins le dire à la personne concernée, qui est dans le service depuis 10 jours déjà. Certes oui, c'est pas un service d'oncologie mais de gastroentérologie, mais quand même voilà quoi...surtout après avoir dit au patient concerné que le moral, c'est déjà 99% de la guérison.
Alors si c'est 99% de la guérison, pourquoi tu ferme ta gueule ? Pourquoi tu lui dis pas en le regardant droit dans les yeux que son cancer de l'oesophage a un petit copain de jeu ? Pourquoi tu lui dis pas ?
Et moi je croyais que tu lui avais dis... Ah ben je comprend mieux maintenant...
Je comprend mieux pourquoi pendant 10 jours on a eu du mal à se trouver avec mon père. Je comprend mieux. C'est peut être pas lié à 100%, mais quand même.
Au final, ça change pas grand chose. En 10 jours, il ne s'est pas passé grand chose sur le plan médical (du moins de visible), si ce n'est la prise de poids d'un petit kilo.
Ah mais si, il y a quelque chose qui a changé en 10 jours. Maintenant il sait. Il sait où il en est, ce qu'il a réellement. Et en plus, il sait que je sais. Il sait que la famille sait. Et ça, ça change tout. Mais ça, gentil toubib, tu t'en fous royalement occupé que tu es à (ne pas) faire tes cartons pour le transfert de ton service.

J'adore les toubibs, surtout quand je dois annoncer ce genre de nouvelle à mon père à leur place.

Pas de regard fuyant, pas de faux semblant, juste la vérité vraie.
- Papa, je mets les pieds dans le plat. Tu sais où t'en es de la maladie ?
- ben oui, j'ai des cellules cancéreuses dans le haut de l'oesophage...
- Oui, mais ça a bougé aussi dans les poumons. Tu as des métastases dans les poumons.
- ... et la prostate, elle va bien elle ?

Oui, il a pris la nouvelle avec humour, avec son regard décalé, devant nous. Oui, maintenant les choses vont peut être changer.
Il a regardé "l'album" photo que j'ai apporté, celui avec des photos de son enfance et avec des photos de la mienne. Des moments de joie...et j'ai dis merci pour ces moments. Pas sûr qu'il ait entendu mon merci. Pas grave, je lui redirai demain.
Maintenant, avec son petit pc portable qu'on vient de lui offrir, il  va peut être se mettre à écrire.
Devoir de mémoire, de transmission. C'est tout à fait son style. Ecrire et transmettre.

Je suis conscient que beaucoup de médecins font un excellent job, qu'ils sont humains, compétents, motivés. A ceux là, je leur dis merci. Aux autres, je ne leur dis (plus) rien.

mercredi 9 mai 2012

Au wagon restaurant

Ici, point d'épreuve à la Top Chef. Je ne suis pas à bord de l'emblématique Orient Express, je n'ai pas deux minutes chrono pour faire mes courses et embarquer mes ingrédients depuis le quai, je n'ai pas de truc et astuce transmis de la bouche du chef cuisto du train pour éviter de foutre de l'eau bouillante partout.
Non, ça serait trop facile. Ici, c'est une toute autre cuisine qu'on me sert. Je la connais, j'y ai déjà goûté il y a bientôt 13 ans. Elle se compose d'un soupçon de langue de bois, d'un zeste de demie-vérité, d'une pincée de contre vérité, d'un saupoudrage de doux espoir, sans oublier la livrée de l'oubli.
Bon, je crois que je vais y mettre mon ingrédient magique, à savoir la bonne humeur déstabilisante associée à la déconnade bousculante et détonnante.
Ca devrait être explosif, corrosif, dérangeant...et jouissif. Enjoy !

samedi 5 mai 2012

Permission

Première permission accordée, première sortie effectuée pour une petite ballade au bord d'un lac. Un peu de marche, un peu de route, quelques photos pour le principe... Le ciel s'obscurcit, le crachin breton fait son apparition. En Bretagne, il ne pleut que sur les cons. Le crachin, ça ne compte pas.
Et aux touristes qui disent qu'il pleut tout le temps en Bretagne, je leur rétorques tel un breton qu'il fait beau plusieurs fois par...jour en Bretagne.
Je reviens en arrière de quelques heures. Putain que c'est pas simple la situation. La tension est palpable, et tout peut être prétexte à accrochage entre lui et sa compagne (ma belle mère pour le coup). Il n'a jamais été facile à vivre, c'est un fait. Je devines son envie de points de repères fixes, et là j'ai l'impression de me retrouver à accompagner deux personnes pour que ça se passe au mieux. L'accompagner lui, prendre du temps avec lui, mais aussi être attentif à l'environnement pour que ça se déroule au mieux, même si je sais d'avance que tout ne sera pas rose. Il y a quelque chose à construire, et ça ne va pas se faire en un jour c'est certain.
Peut être que pour commencer il faudrait bannir l'alcool de la maison, mais à quoi bon si ce n'est pas son choix à elle. Comment lui faire comprendre et prendre conscience qu'elle va passer à côté de quelque chose si elle prend la fuite dans le vin ? Je n'en sais rien, je n'ai pas de réponse pour le moment. Ce que je sais, c'est que c'est pesant et que ça complique la relation.
Quelle bulle mettre en place  ? Quel cocon protecteur ? Quel filtrage efficace pour éviter les pollutions en tout genre qui bouffent de l'énergie et créent de la tension inutile ? Là aussi, pas de réponse...
Et que faire ? Laisser le quotidien routinier guider nos pas et faire comme si rien n'allait se passer ? On range le bordel du garage, on fait du jardinage...on se projette à l'année prochaine et on fait comme si tout allait bien (ou presque) ? Ou on croque la vie à pleines dents comme on mord dans une pomme ? Je connais déjà la réponse, mais elle n'est pas simple à mettre en place.

J'ai ici un espace pour moi, pour mon billet d'humeur. Je ne prend pas de train, je ne sais pas dans quelle gare je suis. Mon instinct me dirait de relire Harry Potter pour mettre une image dessus, du moins une idée du pourquoi du comment de ce qui m'attend et de ce que j'ai à vivre. Plusieurs directions s'offrent à moi. Je peux rester à quai et regarder le train partir, je peux rester à quai et me retourner, ou je peux monter dedans, composter mon billet et vivre l'aventure qui s'offre à moi, à nous. Mon billet est en poche depuis hier, je l'ai même composté sans l'ombre d'une hésitation, alors que c'est l'inconnu que j'ai devant moi. Je n'ai jamais apprécié la nouveauté. Au resto chinois je ne prend que des valeurs sûres pour éviter la déconvenue. Et là, je me retrouve dans un train dont j'ai une vague idée de la destination, mais sans en connaitre l'itinéraire. Putain que j'ai peur. Et finalement, j'y suis dans ce train.

Il est cinq heures...

Dutronc chantait il y a quelques décennies Il est cinq heures...Paris s'éveille, il est cinq heures, je n'ai pas sommeil.
Jeudi 3 mai, le réveil sonne à cinq heures, mais avais-je besoin du réveil ? Cinq heures du mat, la gueule presque enfarinée, c'est l'heure de se lever. L'heure de partir prendre le car pour rejoindre la grande ville.
Ici la grande ville n'est pas gris béton, elle a les accents du sud avec ses murs en pierre rose.
Trop tôt pour manger, mais ais-je envie de manger ? Je crois pas, j'en sais rien, je suis ailleurs, déjà parti tout en étant là. Le temps de réveiller le copain pour qu'il me dépose au départ du car, et c'est parti.
5h45, c'est le départ pour la grande ville. Je regardes le paysage défiler, je somnoles. Au fur et à mesure que je me rapproches de ma première étape le car s'anime, se remplit de travailleurs, de lycéens, d'étudiants. Et moi dans tout ça ? Je ne vais ni travailler, n'y étudier, juste voyager.
8h00, mon estomac se rappel à mon bon souvenir. Il est temps de trouver une boulangerie et de prendre un café. Plus qu'une heure à attendre avant le prochain trajet.
La gare s'anime peu à peu, le café y est toujours aussi insipide. Pourquoi prendre un café ici alors que de l'autre côté du boulevard il y a un établissement digne de porter le nom de café ? J'ai la tête en vrac, je n'ai pas envie de réfléchir.
9h10, on démarre. La situation me fait sourire. Eux vont bringuer en Bretagne, pour un mariage. 4 jours festifs avec ce week-end prolongé. Moi, non, je ne vais pas bringuer...juste voyager. Le trajet se déroule en somnolence. C'est tranquille, ça fait du bien. Pour une fois je me fais conduire. Je découvres les joies du covoiturage. Pas grand chose à dire sur le déroulé de cette partie de la journée. J'arrive presque à destination (à 13km près), je poursuis à pied le temps que ma frangine vienne me récupérer sur la route. Ca fait du bien de marcher sans se poser de question, j'en profites pour me vider la tête, j'admire le paysage de cette campagne bretonne. La tension est palpable, l'angoisse s'invite progressivement. Je reconnais la voiture qui s'arrête après m'avoir dépassé. Je montes, le verdict tombe :  quelques semaines.
Je m'y attendais, certes, je me doutais de la complication suite à cette hospitalisation en urgence, mais ça fiche quand même un coup de massue derrière les oreilles. Les cousins ont fais l'aller retour, et le toubib urgentiste de la famille a fait de la traduction en ligne pour ma soeur.
On arrive à l'hôpital pour voir le padré. Un peu de temps à discuter de tout, de rien...histoire de prendre la température, ou histoire de fuir, je ne sais plus. Ca n'a plus d'importance à ce stade de la journée.
Nous rentrons à la maison, nous discutons un peu, je réfléchis à la décision à prendre.
Je devais rentrer mardi de la semaine prochaine, toujours en covoiturage...et bien je crois que je vais prolonger...de quelques semaines. Prolonger pour être là, pour profiter, pour accompagner...pour dire au revoir. Les enfants viennent dans quelques jours. Eux aussi profiteront, accompagneront, seront là. Peut être pas pour quelques semaines, mais au moins quelques jours, et après on verra.
Vivre au jour le jour, ça a pris un tout autre sens depuis hier.